JOY DIVISION : la danse macabre

Publié le par getfever


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Factory était alors relativement en fonds, et il était temps d’enregistrer de nouveau Curtis et sa bande. Mais Hannett n’était pas satisfait du résultat (ou peut-être les commentaires sarcastiques de l’ingénieur du son de Strawberry avaient-ils finalement eu raison de lui), bien qu’il ait produit une version dance de She’s Lost Control pour le marché américain (sans doute pour prouver que Joy Division faisait du funk postmoderne) ainsi que l’hymne Love Will Tear Us Apart.

Hannett a donc emmené le groupe de Manchester à Londres, à Britannia Row, où il a terminé Closer, refermant ainsi le livre du groupe qui lui avait laissé la plus grande latitude. Cette fois, Hannett était réellement en ville, utilisant la palette complète de sons industriels qu’il entendait dans son imagination monochromatique. Le son d’un homme en train de se noyer était immergé  sous le mix de béton de Hannett. Curtis, qui commençait déjà à se refermer, continuait à accepter de suivre Hannett et Wilson.
Mais, si on se fie à ce qu’il a confié à Genesis P. Orridge, il sentait déjà que les idéaux qui avaient inspiré le groupe à l’origine avaient été irrémédiablement compromis.

Genesis P. Orridge:

Il savait que s’il faisait une tournée américaine, il serait coincé et forcé de continuer encore et encore avec Joy Division. Qu’il y aurait toujours de nouvelles raisons «convaincantes» pour le persuader de faire juste un disque de plus, juste une tournée de plus, juste une interview de plus, à n’en plus finir. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de lui, ou de l’intégrité de son idée originale.

Il voulait s’échapper – de ses relations compliquées avec sa petite amie belge, sa femme, et sa fille, de tout cet engrenage dans lequel il se sentait pris, de toute cette spirale descendant vers le néant. Un soir de mai 1980, il s’est mis dans un état d’esprit suicidaire en regardant le sinistre Stroszek de Werner Herzog à l’éclat aveuglant, avant de mettre The Idiot d’Iggy Pop sur la platine, puis de s’accrocher une corde autour du cou et de prendre la décision fatale de «ne pas être». Si Malcolm Owen avait été un peu trop amoureux du monde du rock & roll, Curtis avait, lui, trouvé un peu trop de haine de soi au fond de son âme morte.

Inévitablement, ce seul geste a assuré l’accession de Curtis au panthéon des suicidés du rock – et au genre de succès qu’il redoutait, mais n’avait jamais obtenu. Love Will Tear Us Apart semblait un tel résumé parfait de ces sentiments qu’il ne pouvait faire autrement que d’escalader les charts – avec Closer dans son ombre.
Pendant ce temps, à Londres, Virgin ratait un coup en ne sortant pas Love In Vein comme les dernières volontés et le testament de Malcolm Owen. Au moins la maison de disques a-t-elle ainsi probablement évité à Owen et aux Ruts tout ce qui a enveloppé la musique de Joy Division pendant ces vingt-cinq dernières années.
Ce que ne disait aucun éloge funèbre des deux chanteurs, c’était que les morts prématurées d’Owen et de Curtis privaient le punk, à la fois dans ses aspects populistes et progressistes, des deux performers les plus puissants, dynamiques et compulsivement visuels de l’ère postpunk, et qu’avec eux, il perdait tout espoir d’évolution. Fondu au noir.

extrait de "Babylon's burning" de Clinton Heylin (chapitre 6.3 / p. 559-560)

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TRANSMISSION & LOVE WILL TEAR US APART (TV live)

Les deux titres les plus emblématiques de Joy Division, filmé live en septembre 1979. Plus efficace pour (re)découvrir ce groupe essentiel que le très maniériste, très plombé, très à côté de la plaque, et pour faire court, totalement loupé "Closer" (biopic sorti en 2007).





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